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Décryptage

Cinq choses à savoir sur la COP 15 biodiversité

Pourquoi la réussite de cette COP 15 biodiversité est-elle indispensable à la survie des écosystèmes naturels de la planète ? Explications en cinq points.

Selon l'IPBES, si rien n'est fait pour les préserver, 1 million espèces végétales et animales sont menacées de disparition d'ici 2030.
Selon l'IPBES, si rien n'est fait pour les préserver, 1 million espèces végétales et animales sont menacées de disparition d'ici 2030. (iStock/DR)

Par Mathieu Viviani

Publié le 6 déc. 2022 à 17:27Mis à jour le 7 déc. 2022 à 14:05

« La COP de la décennie ». Telle est l'expression utilisée par les sherpas des négociations internationales au sujet de la COP15 Biodiversité, dont le coup d'envoi est prévu le 7 décembre 2022 à Montréal. L'attente est d'autant plus grande que l'événement, présidé et organisé cette fois-ci par la Chine, a été reporté à plusieurs reprises depuis 2019, en raison de la pandémie de Covid.

Si beaucoup d'observateurs regrettent que l'importance de la COP 15 n'ait pas été mentionnée dans la déclaration finale de la COP 27 en Egypte , certains ont été rassurés par la déclaration commune des chefs d'Etats présents au dernier G20 , le 15 et 16 novembre, à Bali en Indonésie. « Nous appelons les parties de la Convention sur la diversité biologique à adopter une stratégie post-2020 ambitieuse, équilibrée, pragmatique, efficace, robuste et transformatrice à la COP 15 à Montréal », stipule le document.

Un portage politique tardif mais bienvenu au regard de la réalité du terrain : selon l'IPBES, le « Giec de la biodiversité », sur 8 millions d'espèces végétales et animales recensées, 1 million d'entre elles sont menacées de disparition. Un constat d'autant plus alarmant lorsqu'on sait que la nature contribue largement à la régulation du climat, déjà mal en point.

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Alors en quoi la COP 15 biodiversité est-elle décisive pour l'avenir de la planète ? Quels sont ses objectifs ? Quelles difficultés en vue dans les négociations ? Eléments de réponses.

1. Cette COP 15 est aussi importante que celle du climat

Depuis le Sommet de Rio de 1992, sont organisées sous l'égide de l'ONU des Conférences des parties (les fameuses « COP »), des espaces de négociations internationaux dédiés à différentes thématiques environnementales (climat, désertification, biodiversité, etc). Si les COP climat sont les plus médiatisées, celles traitant la biodiversité, moins connues du grand public, revêtent aussi toute leur importance.

Organisées sous l'égide de la Convention internationale sur la Diversité Biologique (CDB), les COP biodiversité ont pour but principal d'établir des accords et des plans d'action afin de protéger les écosystèmes naturels mondiaux.

Le dérèglement climatique, l'urbanisation croissante et la surexploitation industrielle des ressources naturelles accélèrent la perte de biodiversité, végétale comme animale. Or, ces ressources sont indispensables à la survie de l'humanité sur Terre. Notamment en matière d'alimentation et de santé.

« C'est la raison pour laquelle toutes les COP sont interdépendantes. La crise climatique alimente celle de la biodiversité et vice-versa », résume Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes du WWF France.

2. 1 million d'espèces en danger

« Tout comme le climat, l'état de la biodiversité est balisé par de solides données scientifiques. Et malheureusement, celles-ci ne sont pas bonnes… », alerte le cadre du WWF.

Un chiffre parlant : selon le dernier recensement effectué en 2019 par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), sur 8 millions d'espèces végétales et animales recensées, 1 million d'entre elles sont menacées de disparition. Autre statistique alarmante : entre 1970 et 2018, la taille moyenne des populations de vertébrés sauvages a décliné de 69 % selon le WWF.

En 2010, les vingt « Objectifs d'Aichi » pour 2020 étaient censés s'attaquer au problème. Ils prévoyaient notamment de réduire au moins de moitié le taux de perte d'habitats naturels dans le monde et sauvegarder la biodiversité de 17 % des zones terrestres et des eaux continentales (10 % des zones marines et côtières).

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« Mais force est de constater qu'ils n'ont clairement pas été atteints. C'est la raison pour laquelle cette COP 15 est absolument cruciale. Un accord sans précédent, à la hauteur de l'urgence doit être obtenu. En ce sens, il pourra être comparable à celui de la COP 21 pour le climat en 2015 », précise Pierre Cannet.

3. Protéger 30 % des terres et des mers d'ici 2030

Si de l'aveu de l'expert du WWF, « le texte actuel, en pré-négociation, comporte encore 1.500 crochets », les objectifs visés par cet accord-cadre doivent être à la hauteur de l'enjeu. Le premier parmi tous les autres : enrayer l'effondrement actuel de biodiversité et sanctuariser 30 % des terres et mers du globe d'ici 2030.

Ce levier des aires protégées est largement poussé par les organisations scientifiques référentes, comment l'IPBES ou l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), car son efficacité a déjà fait ses preuves par le passé. ​Certaines régions du globe, dotées de réservoirs de biodiversité gigantesques, comme la forêt amazonienne en Amérique du Sud ou l'Afrique (notamment le grand bassin du Congo), pourraient voir leurs zones naturelles davantage protégées.

Mais définir ces zones protégées est loin d'être aisé. Leurs ressources naturelles sont intrinsèquement liées à l'activité économique des industries forestières, minières, agricoles ou marines. Les lobbies de ces secteurs risquent donc d'exercer une pression importante à cette COP afin de faire valoir leurs intérêts.

Le responsable plaidoyer du WWF France ajoute deux autres objectifs nécessaires à l'efficacité de ce futur accord : « En plus de sanctuariser la nature, le texte final devra définir un plan d'action concret pour d'une part restaurer les écosystèmes naturels, et d'autre part réduire l'empreinte écologique humaine. Au WWF, on milite pour que celle-ci baisse de 50 % d'ici 2030. Cela passera par la limitation de l'extraction minière, le passage à une agriculture plus raisonnée ou par une alimentation moins carnée . »

4. Se doter d'une méthode

« L'une des raisons pour laquelle les Objectifs d'Aichi pour la biodiversité n'ont pas été atteints s'explique par l'absence d'un mécanisme efficace de mise en oeuvre », rappelle Pierre Cannet.

Contributions des pays en matière de baisse des émissions de CO2 , relèvement des ambitions climatiques, transparence des négociations, ces modalités d'action ont contribué à l'effectivité de l'Accord de Paris pour le climat. « La COP 15 biodiversité doit absolument se doter de ce mécanisme pour voir sa feuille de route respectée par les pays », insiste Pierre Cannet.

Il faut avoir en tête que les plus grands réservoirs de biodiversité se situent dans les pays en développement.

Pierre Cannet Directeur du plaidoyer de WWF France

Se mettre d'accord sur une méthodologie commune afin de mesurer la biodiversité s'avérera aussi crucial durant cette COP. Selon les experts, le défi est de taille : quantifier les écosystèmes naturels est plus complexe que le climat. Ce dernier possède en effet un indicateur clef plus limpide : les émissions de CO2.

5. 700 milliards de dollars pour préserver la biodiversité

À l'occasion d'une interview pour le média en ligne canadien « L'actualité », Elizabeth Maruma Mrema, secrétaire exécutive de la CBD, a rappelé : « Le cadre de travail de cette COP cherche à trouver 700 milliards de dollars d'ici 2030, mais certaines études indiquent que le montant nécessaire pour préserver la biodiversité est encore plus élevé. »

Tout comme les dernières conférences climat , la mobilisation de nouveaux financements sera aussi l'un des enjeux majeurs de cette COP biodiversité. Le sujet fait d'ailleurs jaillir les mêmes tensions qu'à la COP27 : les pays en voie développement, plus impactés par l'érosion de biodiversité que les pays riches, réclament un soutien financier majeur de ces derniers.

« Il faut avoir en tête que les plus grands réservoirs de biodiversité se situent dans les pays en développement. Tant que ces financements ne seront pas mobilisés, ces Etats ne seront pas incités à protéger leurs réservoirs de biodiversité », analyse le cadre d'ONG.

Un autre argument économique devrait sous-tendre les négociations de cette COP : selon un rapport de la Banque mondiale publié en juillet 2021, « l'effondrement de certains services écosystémiques fournis par la nature (pollinisation sauvage, nourriture issue de la pêche marine et bois provenant des forêts naturelles, notamment) pourrait amputer le produit intérieur brut (PIB) mondial de 2.700 milliards de dollars par an d'ici à 2030 ».

Mathieu Viviani

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