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Le FMI s’alarme d’une chute des sources de financement de l’Afrique

La population, déjà touchée par l’inflation due à la guerre en Ukraine, est la première victime d’un « important resserrement ».

Par  (Nairobi, correspondance)

Publié le 17 avril 2023 à 20h55, modifié le 18 avril 2023 à 09h26

Temps de Lecture 3 min.

Abebe Aemro Sélassié, directeur du département Afrique du Fonds monétaire international, à Washington, le 14 avril 2023.

« La résilience de la région est soumise à rude épreuve », a lancé d’emblée Abebe Aemro Sélassié, le directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI), lors de la présentation aux journalistes des dernières perspectives macroéconomiques pour le sud du Sahara, vendredi 14 avril. L’institution de Washington s’inquiète d’un « important resserrement » des moyens de financements à disposition des Etats africains. De manière conjuguée, trois sources majeures se sont contractées ces dernières années, dans un contexte d’épidémie de Covid-19, de guerre en Ukraine et de ralentissement économique mondial. L’aide publique au développement, tout d’abord, a chuté d’environ 53,7 milliards de dollars (49 milliards d’euros) en 2020 à 47,4 milliards de dollars (43,4 milliards d’euros) en 2021, selon le FMI. Quelques jours plus tôt, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait, de son côté, fait état d’une baisse de près de 8 % de l’aide publique à l’Afrique subsaharienne en 2022, à environ 30 milliards de dollars.

Deuxième source de financement affectée : les prêts contractés auprès de la Chine, massifs au milieu des années 2010 et notamment fléchés vers les infrastructures. Ils sont passés de 9,1 milliards de dollars en 2019 à 2,8 milliards en 2021.

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Enfin, les marchés financiers sont devenus plus chers et plus difficiles d’accès depuis 2020. Quand plusieurs pays, dont le Ghana, y ont eu recours au début de la pandémie, aucun des Etats « frontière » – il s’agit de pays pauvres ayant un marché financier établi, mais dont la capitalisation boursière et la liquidité restent faibles. Ils représentent les deux tiers du produit intérieur brut régional – n’est parvenu à se financer sur les marchés depuis le printemps 2022. Parmi eux, le Kenya, économie pourtant solide, a tenté d’émettre un eurobond d’un milliard de dollars en juin, avant d’abandonner en raison de coûts trop élevés.

« Au plus mauvais moment »

Moins de financements disponibles signifient moins de dépenses sociales, sur un continent dont au moins un tiers de la population vit dans l’extrême pauvreté, selon les critères de la Banque mondiale. « Beaucoup de pays font face à des décisions difficiles lorsqu’il s’agit d’investir dans des secteurs cruciaux, comme la santé, l’éducation, les infrastructures. Cela ne va pas seulement les affecter maintenant, mais aussi dans les années à venir », a insisté M. Sélassié, se félicitant que le FMI ait, dit-il, « fait sa part » en fournissant plus de 50 milliards de dollars de financements entre 2020 et 2022. « J’ai toujours dit que ce siècle était celui de l’Afrique, mais si des mesures ne sont pas prises maintenant pour répondre à ce resserrement des financements, la région pourrait être empêchée de développer son potentiel », a-t-il ajouté, appelant les gouvernements à, notamment, consolider les finances publiques, adapter leur politique monétaire et contenir l’inflation galopante.

L’actuelle hausse des prix est venue aggraver « au plus mauvais moment » le manque de ressources, pour les Etats comme pour les ménages africains. En février, le taux médian d’inflation en Afrique subsaharienne atteignait environ 10 % – plus du double par rapport au début de la pandémie. Au Nigeria, première économie et première population du continent, la hausse des prix alimentaires – depuis le pain jusqu’à l’igname, en passant par les huiles et les légumes – a culminé à 24,5 % en mars, selon des chiffres officiels publiés samedi 15 avril. En conséquence, pauvreté et faim augmentent fortement à l’échelle régionale. En octobre 2022, le FMI estimait que 123 millions d’Africains faisaient face à une insécurité alimentaire sévère. Il en dénombre aujourd’hui 132 millions.

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Certes, l’inflation est appelée à ralentir cette année. Mais ce fléchissement ne sera pas visible immédiatement dans certains pays, note le FMI, citant notamment le cas du Cameroun ou de l’Ethiopie, qui doivent mettre fin à des subventions sur le carburant et les produits alimentaires.

Pour les Etats africains, le manque de financements, l’inflation mais aussi la dépréciation des monnaies face au dollar amplifient d’autres crises déjà inquiétantes. A commencer par celle de la dette extérieure : non seulement les échéances de ces emprunts, généralement contractés en dollars, sont plus difficiles à rembourser, mais elles coûtent plus cher en monnaie locale. Sur les 35 pays à faibles revenus que compte la région, 19 sont aujourd’hui considérés comme surendettés ou à risque élevé de l’être. L’endettement représente 56 % du PIB subsaharien, un niveau jamais atteint depuis la crise de la dette du début des années 2000.

Pénurie de dollars

Si certains pays font face à « un problème de solvabilité », qui pourrait parfois nécessiter une restructuration de la dette, d’autres sont plutôt confrontés à « un problème de liquidités », a noté M. Sélassié. De nombreux Etats font, en effet, face à une pénurie de dollars et doivent puiser de manière croissante dans les réserves de leur banque centrale. En 2022, le Ghana, l’Ethiopie, le Zimbabwe ou encore du Soudan du Sud avaient devant eux l’équivalent de moins d’un mois d’importations, selon les données du FMI, un ratio extrêmement faible.

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Dans ce contexte difficile, l’institution prévoit une croissance moyenne de 3,6 % cette année en Afrique subsaharienne (contre 3,9 % en 2022). Cette dernière se caractérise par des disparités très fortes : de 0,1 % pour l’Afrique du Sud, empêtrée dans des coupures massives d’électricité, jusqu’à 8,3 % pour le Sénégal, qui commence à exporter du gaz. Une autre caractéristique, note le FMI, c’est la prépondérance du secteur public. « Ce qu’on a vu au cours des dix, quinze dernières années, c’est une croissance beaucoup plus influencée par les dépenses des gouvernements, les investissements dans les infrastructures, la santé, l’éducation. Et nous avons besoin d’une prise de relais [par] le secteur privé », a ajouté l’économiste éthiopien, insistant, malgré le tableau morose précédemment dressé, sur le potentiel de la région, « probablement le moins exploité au monde ».

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