C’est une initiative inédite que portent le Crédit Mutuel et la Maif. La banque et l’assureur vont consacrer une partie de leur bénéfice à la lutte contre la crise climatique, sous la forme d’un dividende sociétal, ou écologique. Plusieurs centaines de millions d’euros vont être alloués à des projets durables et solidaires. Une mesure qui pourrait inspirer d’autres entreprises.
Un meilleur partage de la valeur. Voilà l’ambition portée fièrement par la Maif et le Crédit Mutuel Alliance Fédérale qui se sont tous deux engagés, début janvier, à reverser un pourcentage de leur bénéfices à des projets environnementaux et solidaires. Des annonces qui se font échos et qui permettront chaque année de débloquer plusieurs centaines de millions d’euros en faveur de la lutte contre la crise climatique. 


Au travers d’un "dividende sociétal", le Crédit Mutuel Alliance Fédérale consacrera ainsi 15% de son bénéfice net "au service du bien commun, de l’utilité collective", selon les mots de Nicolas Théry, président du groupe mutualiste, soit environ 500 millions d’euros si les résultats pour 2022 sont équivalents à 2021. En parallèle, la Maif a annoncé la création d’un "dividende écologique" consistant à reverser chaque année 10% de ses bénéfices à des projets de solidarité climatique et de protection de la biodiversité, ce qui représente près de 10 millions d’euros pour 2022. 


Solidarité et action climatique


Concrètement, l’objectif de l’assureur se concentre autour de deux leviers principaux. Premièrement, accompagner les assurés les plus exposés aux événements climatiques et les plus vulnérables sur le plan économique. Cela passera par exemple par un accompagnement à la mise en place de dispositifs de prévention ou de diagnostic du niveau d’exposition des logements, selon Pascal Demurger, directeur général de la Maif interrogé sur France Inter. Le second axe concerne le financement de projets, notamment de régénération de la biodiversité.


Du côté du Crédit Mutuel Alliance Fédérale, ce "dividende sociétal" sera divisé en trois grands ensembles. La moitié ira à un fonds à impact, sans objectif de rentabilité financière, pour soutenir des entrepreneurs environnementaux et sociaux. Le groupe va également multiplier par dix ses actions de mécénat qui seront portées à 60 millions d’euros par an. Enfin, l’établissement va allouer un tiers de la somme à des actions "de transformation des pratiques de la banque et de l’assurance", comme un prêt éco-rénovation à 0% à destination de leurs clients et sociétaires.


Le début d’un mouvement ?


Pour Nicolas Théry, il suffirait que quelque 200 autres grandes entreprises mettent en œuvre des mesures similaires pour couvrir les besoins d’investissement de la France dans la transition écologique et énergétique, estimés à environ 100 milliards d’euros par an. Cela est-il pour autant réalisable ? Si le Crédit Mutuel et la Maif "ont une capacité d’entraînement, ça peut réorienter une partie non négligeable des flux", a estimé auprès de l’AFP l’économiste Raphaël Trotignon, responsable du pôle énergie-climat de l’institut Rexecode. En prenant les entreprises du CAC 40, un dividende de 15% représenterait ainsi près de 25 milliards d’euros mobilisés par an, en reprenant les bénéfices réalisés en 2021.


Mais alors que le Crédit Mutuel et la Maif ont la particularité d’être des entreprises mutualistes, c’est-à-dire sans actionnaires, la tentation peut alors être forte d’affirmer que cette initiative est difficilement reproductible pour les autres entreprises. Un argument balayé par le président du Crédit Mutuel, selon qui ce n’est pas une question de statut. Il rappelle que le dividende sociétal a été approuvé à l’unanimité par le parlement mutualiste, composé à 75% de représentants des sociétaires et à 25% de représentants de salariés. 


Pour Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, soit le modèle actionnarial est un frein, et dans ce cas il faut le changer, soit c’est une fausse excuse et les entreprises doivent alors bouger. Le Medef, par la voix de Dominique Carlac’h, vice-présidente et porte-parole, s’est en tout cas opposé à tout caractère contraignant, préférant laisser aux entreprises la liberté de leur engagement en faveur du climat. "Il existe déjà des dispositifs dans lesquels les entreprises peuvent investir massivement", a-t-elle également rappelé, à l’instar du mécénat, des fondations ou encore des fonds à impact. Il reste que pour Cécile Duflot la contrainte est souvent nécessaire pour que les entreprises passent plus massivement à l’acte.
Florine Morestin avec AFP
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