La quinzième conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB) – ou COP15 – n’est pas encore achevée qu’il est déjà possible d’affirmer qu’il n’en sortira rien. Ou, disons, presque rien. Quels que soient l’accord et les engagements qui seront pris le 19 décembre, à Montréal (Canada), il y a tout lieu de penser qu’il adviendra d’eux ce qu’il est advenu des « objectifs d’Aichi » – pris au terme de la COP10 de Nagoya (Japon), à l’automne 2010.
Sur les vingt objectifs en question, qui devaient être atteints une décennie plus tard, aucun n’a été rempli. Seuls six ont été charitablement considérés comme « partiellement atteints ». Nombre d’observateurs avisés estiment que, sans la ligne de mire des objectifs d’Aichi, la destruction de la biosphère se serait poursuivie à un rythme plus soutenu encore : peut-être. Mais, en tout état de cause, trente ans après la signature de la CDB au sommet de Rio (Brésil), et plus de dix ans après Nagoya, nous sommes encore collectivement très loin du compte.
La COP15 ne nous en rapprochera pas. Toute une série de collisions d’agendas indiquent que les délégations réunies à Montréal opèrent dans une sorte de monde parallèle : toute l’attention médiatique étant focalisée sur la Coupe du monde de football, ce qu’il s’y passe n’intéresse pas grand monde, et aucun chef d’Etat – à l’exception de l’hôte, le premier ministre canadien, Justin Trudeau –, n’a prévu de s’y rendre. Chacun semble prendre acte que ce qui sera paraphé à Montréal n’aura pas d’effet sur la marche du monde. Le président français, Emmanuel Macron, a d’ailleurs fixé l’ordre de ses priorités, jugeant plus important de se rendre au Qatar qu’au Canada.
Il ne s’agit pas uniquement de l’agenda des chefs d’Etat. Le lendemain de l’ouverture de la COP15, le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, se déclarait favorable au retour, pour la troisième année consécutive, des néonicotinoïdes sur la betterave. Une position prise alors que – fait proprement extraordinaire – les prévisions de pression parasitaire sur ces cultures ne sont pas encore disponibles. Se déclarer favorable par principe à l’application des produits les plus destructeurs de la biodiversité, sur quelque 400 000 hectares, alors que les discussions s’ouvrent à Montréal : on est fondé à se demander comment la délégation française a trouvé le moral de tenir le rythme harassant des négociations, deux semaines durant.
Manœuvre dilatoire
Ce n’est pas tout. Le 19 décembre, le jour de la clôture de la COP15, il est probable que le Conseil européen torpille sans ciller l’une des mesures-phares du Green Deal d’Ursula von der Leyen. Officiellement, il ne s’agit que de demander à la Commission des données complémentaires sur l’impact économique des objectifs de réduction des pesticides (50 % à l’horizon 2030). Mais la réalité est que cette exigence a tous les traits d’une manœuvre dilatoire : le temps de réaliser l’étude complémentaire réclamée par les Etats membres (à l’exception de l’Allemagne), plusieurs mois pourraient s’écouler et rendre impossibles l’examen et l’adoption du règlement sur l’usage durable des pesticides, avant la fin de la mandature.
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