Elles sont moins spectaculaires qu’un tremblement de terre, moins brutales qu’une tempête. Les espèces exotiques envahissantes peuvent pourtant avoir des conséquences tout aussi importantes que les catastrophes naturelles : selon une étude publiée dans le numéro d’avril-mai de Perspectives in Ecology and Conservation, les invasions biologiques ont provoqué, au cours des quarante dernières années, des pertes financières équivalentes à celles causées par les séismes, les cyclones, les sécheresses ou les incendies.
Pour les chercheurs du CNRS et de l’université Paris-Saclay, cet ordre de grandeur doit permettre d’attirer l’attention sur ce phénomène et de susciter un sursaut politique. « Les aléas naturels peuvent être des phénomènes désastreux, tout comme les invasions biologiques, écrivent-ils. Pourtant, la prise de conscience à l’égard de ces invasions est faible, et les investissements pour y faire face restent largement sous-financés et repoussés. »
A partir de plusieurs bases de données mondiales, les scientifiques ont pu compiler les coûts de différents aléas naturels et des invasions biologiques – les espèces envahissantes sont définies comme ayant été introduites par des activités humaines et ayant des impacts néfastes sur la société et l’environnement. Résultat, entre 1980 et 2019, les pertes financières dues aux espèces envahissantes s’élèvent à 1 200 milliards de dollars, contre près de 1 900 milliards pour les tempêtes et environ 1 100 milliards pour les tremblements de terre ou les inondations, 244 milliards pour les sécheresses ou 140 milliards pour les feux de forêts.
Pour les invasions biologiques, le montant est largement sous-estimé, aucun impact n’ayant jamais été étudié pour plus de 90 % des espèces invasives. « L’intérêt de cette étude n’est pas d’établir une hiérarchie entre les risques, mais bien de montrer l’ampleur du problème, car le sujet des espèces exotiques envahissantes n’est pas encore bien connu par les citoyens ni bien quantifié par les experts », observe Arnaud Albert, chargé de mission et de recherche sur les espèces exotiques envahissantes à l’Office français de la biodiversité, qui n’a pas participé à l’étude.
« Les impacts des invasions biologiques sont difficilement comparables, explique aussi Franck Courchamp, écologue et chercheur au CNRS et auteur de l’article. La dimension économique nous permet de faire passer un message, mais également d’avoir une métrique unique pour évaluer les différents effets. »
« Le coût de l’inaction est très élevé »
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