« Ici, on entre dans de nouveaux écosystèmes. » Le glaciologue Jean-Baptiste Bosson désigne un versant couvert de forêt, en face du sentier qui grimpe au-dessus des Contamines-Montjoie (Haute-Savoie). Des mélèzes, des bouleaux, des aulnes.
En 1850, le glacier de Tré-la-Tête, le quatrième plus important du massif du Mont-Blanc, descendait jusqu’au bas de la vallée. « Cette forêt a moins de deux cents ans, elle est primaire au sens écologique, explique Jean-Baptiste Bosson. L’humain n’a eu aucune influence sur les sols qui se sont développés ici, il n’a pas sélectionné les essences des arbres et ne les a jamais exploités. C’est quasiment unique en France. »
Des forêts, mais aussi des lacs, des landes, des zones humides ou des fjords : le projet Ice & Life, lancé en 2021 et piloté par le Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie (Asters-CEN74), s’intéresse à l’après.
Que se passe-t-il après la fonte d’un glacier ? Qu’y a-t-il, dans ces zones libérées par les glaces ? Et, surtout, comment protéger ces derniers espaces presque intacts de la planète, alors que la grande majorité des terres a déjà été altérée par les activités humaines ? En collectant des données naturalistes et des connaissances scientifiques sur ces zones encore très peu étudiées, l’équipe d’Ice & Life espère sensibiliser l’opinion et inciter à leur sauvegarde.
Quelques kilomètres au-dessus des mélèzes et des bouleaux, un bloc de « glace morte », détaché du glacier, achève de fondre au pied du Tré-la-Tête, qui s’étend derrière un éperon rocheux. Début octobre, il fait encore plus de 20 °C à 2 000 mètres d’altitude. Le front du glacier ne cesse de reculer : ici, il a laissé place à un lac, apparu il y a moins d’une dizaine d’années. De la paroi, des débris chutent dans des « plouf » bruyants, sorte de bande-son du réchauffement. Depuis 2014, le glacier a perdu environ 24 % de son volume, l’équivalent de plus de 30 000 piscines olympiques. Dans les Alpes françaises, selon les premiers résultats d’une étude encore non publiée, 400 kilomètres carrés ont été désenglacés depuis 1850.
Eviter la disparition des glaciers
Une perte inestimable, rappelle l’équipe d’Ice & Life : si elle s’intéresse aux écosystèmes émergents, elle souligne que la priorité est bien, avant tout, d’éviter la disparition des glaciers. Les quelque 210 000 géants blancs du monde et les calottes du Groenland et de l’Antarctique jouent un rôle fondamental dans la régulation du climat, du cycle de l’eau et pour le niveau des mers, mais fondent aujourd’hui de manière extrêmement rapide – les glaciers des Alpes sont particulièrement affectés.
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