Le président Emmanuel Macron et la Première ministre Elisabeth Borne le 12 décembre 2022 à Paris

Le président Emmanuel Macron et la Première ministre Elisabeth Borne le 12 décembre 2022 à Paris

afp.com/GONZALO FUENTES

"Comme d’habitude, Emmanuel Macron met ses œufs laïcs dans tous les paniers", s’inquiète un observateur attentif du dossier. Car un geste passe mal, y compris au gouvernement. Le 5 décembre, le ministre de la Ville, Olivier Klein, signe une convention avec quatre grandes fédérations de l’éducation populaire pour promouvoir, selon les termes du communiqué, "une laïcité qui protège, un bouclier plutôt qu’un glaive". L’opération s’effectue dans le cadre du plan de formation "Valeurs de la République et laïcité", ce programme, né après les attentats de 2015, qui s’adresse aux professionnels de terrain, chargés des secteurs de la ville, de la jeunesse et sports (agents de l’État ou des collectivités territoriales, salariés ou bénévoles associatifs) et a désormais l’objectif d’en former 40 000 par an.

Publicité

Or parmi les signataires figure la Ligue de l’enseignement, une fédération d’associations qui défend plutôt une laïcité dite "plurielle" ou "ouverte", autrement dit accommodante depuis la fameuse affaire du voile au lycée de Creil en 1989, et qui a émis plus que des réserves sur la loi contre le séparatisme portée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. "On reconduit des partenariats historiques sans mener d’évaluation critique et on continue ainsi de s’adresser à des prestataires qui ne partagent pas forcément les mêmes objectifs que l’Etat", pointe un spécialiste de ces questions.

LIRE AUSSI : Gilles Clavreul : La laïcité, une idée pour demain

Alors que de nombreuses directions de ministères sont concernées, certains membres du gouvernement ont découvert l’initiative d’Olivier Klein après coup. C’est le cas du ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini, de la secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse Sarah El Haïry ou de la secrétaire d’Etat à la citoyenneté Sonia Backès – les trois l’ont confirmé à L’Express. De même, le conseil des sages et des valeurs de la République, qu’abrite le ministère de l’Education nationale (le successeur de l'Observatoire de la laïcité), n’avait été ni consulté ni même informé. "On serait en droit d’attendre un minimum de coordination et de cohérence, c’est ce dont nous souffrons le plus", pointe l’un de ses membres.

Une définition floue de la laïcité

Un comité interministériel de la laïcité, sous la présidence d'Elisabeth Borne, devait se tenir le 9 décembre et a été repoussé au début de l'année prochaine. "Il faut un socle commun", rappelle un ministre.

LIRE AUSSI : Boualem Sansal : "Face à l’islamisme, la gestion par l’Etat de la laïcité reste désastreuse"

Le quinquennat précédent avait déjà été riche en tensions sur le sujet. Jean-Michel Blanquer avait ferraillé pour neutraliser l’Observatoire de la laïcité dirigé par Jean-Louis Bianco ; et c’est en lui reprochant d’être sur une ligne trop proche du Printemps républicain que Richard Ferrand, alors président de l’Assemblée nationale, avait combattu, avec succès, l’idée de son passage de l’Education nationale à l’Intérieur, en juillet 2020.

Où l’on retrouve les ambiguïtés propres à Emmanuel Macron lui-même. L’Express avait raconté ce dîner du 1er décembre 2020, au cours duquel le président s’entretient avec trois intellectuels, Olivier Mongin, François Dosse et Olivier Abel. La laïcité s’invite dès le hors-d’œuvre, quand Abel pique : "Les états généraux de la laïcité, la dissolution de l'Observatoire de la laïcité... Marlène Schiappa est allée trop loin sur les questions religieuses, elle en devient agressive." L’ombre de Paul Ricoeur planera sur tout le repas. Aujourd’hui encore la lumière n’est pas faite sur la définition même que l’exécutif donne à la laïcité, telle qu’elle doit être et donc telle qu’elle devrait être enseignée.

Publicité