ExxonMobil était parfaitement au courant du réchauffement climatique. Les recherches menées par les scientifiques recrutés par l’entreprise étaient « solides », et lui ont permis, dès 1977, de prendre la mesure du réchauffement planétaire causé par les activités humaines. C’est le principal enseignement d’un article publié dans Science, jeudi 12 janvier, rédigé par Geoffrey Supran et Naomi Oreskes, tous deux historiens des sciences à l’université Harvard, et Stefan Rahmstorf, spécialiste de la modélisation climatique à l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique (PIK), en Allemagne.
Sollicitée par Le Monde, la firme américaine s’en défend : « Ceux qui disent qu’Exxon savait ont tort dans leurs conclusions, a réagi jeudi Todd Spitler, conseiller en relations médias chez ExxonMobil. Certains ont cherché à déformer les faits et la position d’ExxonMobil sur la science du climat. » Pourtant, l’entreprise pétrogazière a fait l’objet ces dernières années de nombreuses auditions publiques au Congrès américain et au Parlement européen à cause de son déni du changement climatique.
Les scientifiques d’ExxonMobil avaient prévu avec précision le réchauffement climatique dû à la combustion des énergies fossiles et avaient écarté la possibilité d’une prochaine période glaciaire, théorie pourtant régulièrement utilisée dans les discours de l’entreprise auprès du grand public. Ils avaient ainsi évalué que le réchauffement serait d’environ 0,20 °C par décennie et correctement estimé le budget carbone dans le cas d’un scénario de réchauffement limité à 2 °C.
« Modèle utilisé par les scientifiques »
En 2017, les deux historiens, aiguillés notamment par des enquêtes journalistiques sur le double discours climatique du groupe ExxonMobil, avaient orienté leurs recherches sur l’analyse des textes produits par les scientifiques de la firme américaine. Trois ans plus tard, ils se sont plongés dans les projections de modélisation climatique de l’entreprise pétrogazière, un matériau rarement examiné. « Cette situation contraste avec les modèles climatiques universitaires, dont les performances ont été largement examinées », rapportent les auteurs dans l’article.
Ils se sont donc plongés dans 104 documents scientifiques de l’entreprise, datant de 1977 à 2003, dont 72 publications scientifiques, écrites ou coécrites par les scientifiques maison et revues par les pairs. « Exxon a fait un effort particulier pour intégrer ses scientifiques dans le courant dominant de la recherche universitaire afin qu’ils puissent avoir un accès direct aux connaissances de pointe de la communauté, et ainsi avoir une meilleure vision de la crise que leurs produits allaient provoquer », analyse Geoffrey Supran.
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