Tandis que la société française semble plébisciter une évolution de la législation encadrant la fin de vie, les responsables religieux français tentent encore de faire entendre une autre voix, chacun à leur manière. Discrets depuis le lancement de la Convention citoyenne sur la fin de vie, les représentants des cultes sont invités, jeudi 9 mars, à l’Élysée pour un dîner rassemblant plusieurs acteurs du débat autour du président de la République.

Dans l’Église catholique, on a assumé tout au long de ces mois un certain retrait dans le débat, au profit des acteurs directement concernés. « La stratégie était de mettre en avant les soignants plus que les évêques », indique-t-on à la Conférence des évêques de France (CEF), qui sera représentée à l’Élysée par son président, Mgr Éric de Moulins-Beaufort. « Cela a fonctionné car ils se sont mobilisés : quinze organisations professionnelles ont fait part de leur opposition », relève un évêque.

Pas d’opposition de principe

Les responsables religieux rappellent ainsi qu’ils ne sont pas les seuls à s’opposer à la légalisation de l’aide active à mourir, souhaitée par 78 % des Français (1). « Nous sommes loin d’être les seuls, insiste le grand rabbin de France, Haïm Korsia. Les 800 000 infirmières et infirmiers représentés par les différentes organisations professionnelles ne sont pas des représentants de cultes. Pourtant, c’est comme si la société voulait oublier que leur vocation de soignants était directement touchée par ce sujet. »

Mais aujourd’hui, comment peser alors qu’une évolution de la loi semble inéluctable ? Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, ne souhaite pas se placer dans une opposition systématique mais incarner une attitude constructive. « Nous ne faisons pas front commun contre quoi que ce soit, insiste-t-il. Bien sûr, l’euthanasie et le suicide assisté vont à l’encontre des principes d’un musulman, donc je m’y oppose. Mais je le fais de manière positive, en expliquant comment nous abordons la question. »

Le responsable musulman souhaite ainsi prendre en compte les évolutions de la société. « Nous voyons dans les différents sondages que les Français préfèrent recourir à l’euthanasie plutôt que de souffrir, reconnaît-il. Nous proposons plutôt un accompagnement humain pour les personnes en fin de vie, qui permette de les soulager et de leur donner une forme d’espoir. » Quant au dîner à l’Élysée, Chems-eddine Hafiz est convaincu de son utilité : « Nous devons y participer, non pas pour infléchir les positions, mais pour qu’on prenne en considération un certain nombre d’éléments. »

Promouvoir les soins palliatifs

Une vision du dialogue partagée par Haïm Korsia qui défendra jeudi soir l’application de la loi Claeys-Leonetti sur les soins palliatifs dans laquelle il voit « un équilibre qui interdit la douleur ». Pour le grand rabbin de France, les jeux ne sont pas encore faits. « Je crois qu’il y a toujours un moyen de trouver un chemin de crête intellectuel » pour arriver à un compromis. « Il est très important d’être présents, d’échanger et de se retrouver, de voir où en sont les espérances des uns et des autres », ajoute-t-il.

Pour Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France (FPF), le débat sur la fin de vie soulève des questions d’ordre « philosophique, humain et anthropologique » auxquelles le pasteur entend contribuer pour apporter des réponses. « Nous allons soumettre l’idée d’une loi de programmation pluriannuelle concernant l’accompagnement du grand âge et de la fin de vie, indique le président de la FPF. Nous n’avons pas d’opposition de principe : nous avons un certain nombre de questionnements sur l’homme et la vieillesse. »

Au sein des institutions religieuses, notamment catholiques, quelques voix se montrent plus circonspectes quant à ce qui pourrait ressortir de la rencontre avec Emmanuel Macron. « Je ne place pas de grands espoirs dans ce type de rencontre », souffle un responsable catholique, redoutant une prochaine légalisation de l’aide active à mourir. En attendant qu’un texte de loi ne voie le jour, la Convention citoyenne sur la fin de vie doit remettre ses recommandations au gouvernement le 2 avril.

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Fin de vie, ce qu’en a dit Emmanuel Macron

26 mars 2017, sur C8 : « Moi, je souhaite choisir ma fin de vie (…). Je suis pour qu’on en débatte, (…) mais je ne trancherai pas et je ne ferai pas de loi en arrivant sur ce sujet. »

17 mars 2022, à la présentation de son programme pour le deuxième quinquennat : « Sur ce sujet, je souhaite que nous puissions avancer de manière apaisée, c’est pourquoi je pense que c’est un bon sujet pour une convention citoyenne. »

Le 3 septembre 2022, en remettant la Légion d’honneur à Line Renaud : « Votre combat pour le droit de mourir dans la dignité vous ressemble et nous oblige. Il est dicté par la bonté, l’exigence et cette intuition unique que c’est le moment de le faire, alors nous le ferons. »

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(1) Sondage Ifop, octobre 2022.