Il y a exactement un an, plusieurs députés européens s’insurgeaient du report au quatrième trimestre 2023 de l’examen de la révision du règlement européen sur les produits chimiques, dénonçant une victoire des lobbys de l’industrie sur la santé et l’environnement. La suite des événements semble leur donner raison. La Commission européenne devait publier, mardi 17 octobre, son programme de travail pour 2024 : il est expurgé de toute mention de la révision annoncée au début du mandat d’Ursula von der Leyen, qui se terminera en juin 2024.
Présentée comme un pilier de la stratégie « zéro pollution » du Pacte vert (ou Green Deal), cette réforme du règlement Reach (Registration, evaluation and authorization of chemicals « enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques ») devait permettre en particulier, à l’horizon 2030, d’interdire ou de restreindre massivement l’usage d’une multitude de produits chimiques dangereux, présents dans de nombreux produits de consommation courante : jouets, emballages et contenants alimentaires, vêtements, meubles, appareils électroniques, cosmétiques, peintures, produits d’entretien, etc.
Interrogée lundi 16 octobre, la Commission ne souhaitait pas commenter l’absence de la réforme Reach de son agenda pour l’année à venir, affirmant que les discussions étaient en cours. Une source proche du dossier assure au Monde que la décision est actée depuis plusieurs jours, et que la Belgique, pays qui prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE) à partir du 1er janvier 2024, a dû retirer de son propre programme d’actions toute mention de Reach, dossier « ultrasensible ».
« Révolution »
Saluée comme la promesse d’une « révolution », cette réforme vise à simplifier et à rendre plus efficace le travail de fourmi de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en passant à une évaluation des risques par familles de substances et non plus au cas par cas. A l’échelle de l’UE, environ 300 millions de tonnes de substances chimiques sont produites chaque année par l’industrie, selon Eurostat, l’office statistique européen. Une grande majorité (74 %) de ces substances sont considérées comme « dangereuses pour la santé ou l’environnement » par l’Agence européenne pour l’environnement. Et 18 % sont classées comme potentiellement cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques.
Phtalates, bisphénols, parabens, éthers de glycol, retardateurs de flamme bromés, composés perfluorés ou encore substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) : les services de la Commission ont eux-mêmes évalué la magnitude du fardeau sanitaire et économique de l’exposition chronique de la population européenne à ces produits dangereux. Celles-ci sont impliquées dans une diversité de maladies en raison notamment de leur potentiel perturbateur endocrinien. « Des bénéfices directs pour la santé des consommateurs et des travailleurs, comme une meilleure fertilité, une baisse d’incidence de l’obésité, de l’asthme, de maladies neurologiques et du cancer, sont attendus de la réduction de l’exposition aux produits chimiques les plus dangereux », lit-on dans les passages-clés de l’étude d’impact de la Commission, révélés en juillet par Le Monde.
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