Les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 2,5% en France en 2022, selon les premières estimations du Citepa. Une bonne nouvelle à première vue qui contraste avec la forte hausse de 2021. Mais il semblerait que cette inflexion soit davantage due à des effets conjoncturels liés à la crise énergétique et aux appels à la sobriété. Si les émissions ont baissé dans les bâtiments et l'industrie, elles sont encore en hausse dans l'énergie et les transports. Un changement de cap est attendu pour confirmer durablement la tendance à la baisse. 

Les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 2,5% en France en 2022, selon les premières estimations du Citepa, l’organisme mandaté pour réaliser l’inventaire des émissions nationales. Alors qu’elles avaient augmenté de 6,4% en 2021, par rapport à 2020, en raison de la reprise économique post Covid-19, cette inflexion pourrait nous donner matière à nous réjouir. D’autant qu’elle s’inscrit dans la trajectoire prévue par la stratégie nationale bas-carbone, la feuille de route climatique pour la France. Oui, mais.
Il faut rappeler que cette trajectoire a été revue à la hausse. Le gouvernement a en effet augmenté son budget carbone pour la période 2019-2023, c’est-à-dire qu’il s’est autorisé à émettre plus de CO2 afin de tenir ses objectifs, concentrant tous les efforts sur la période 2024-2028, un choix contestable à plusieurs titres. En outre, cette trajectoire ne vise une réduction des émissions que de 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990 alors que Bruxelles a acté une diminution de 55 % qui n’a pas encore été traduite dans les objectifs français.

Une baisse conjoncturelle


Quand on regarde les chiffres de 2022, dans le détail, on s’aperçoit par ailleurs que la baisse des émissions semble davantage correspondre à un effet plus conjoncturel que structurel. On observe une forte hausse des émissions dans les secteurs de l’énergie (+8,3%) et des transports (+2,3%) qui restent le principal secteur émetteur en France. Cela s’explique par la grande difficulté à décarboner les transports routiers et aériens, et le recours à des énergies fossiles en raison de l’arrêt d’un grand nombre de réacteurs nucléaires. A contrario, les émissions dans les bâtiments et l’industrie chutent respectivement de 14,6% et de 7,7%.
Mais cela s’explique par un effort important de sobriété demandé aux ménages et aux entreprises, par des prix très élevés du gaz et par une météo particulièrement clémente. "Une baisse de 2,5% des émissions de GES en 2022 qui est bienvenue, mais qui ne permet pas de rattraper les retards pris dans les années précédentes et qui est due en grande partie à des conditions conjoncturelles dans le bâtiment et l’industrie", résume Anne Bringault, coordinatrice du Réseau action climat dans un thread sur Twitter. 


En outre, dans le cadre de l’Affaire du siècle, le gouvernement avait été condamné à réduire davantage ses émissions du fait des dépassements des années précédentes, ce qui n’a pas été fait. Pour les organisations à l’origine de l’action en justice, "les premières estimations du CITEPA ne font que rappeler l’urgence de mettre en œuvre des politiques fortes, structurelles et durables pour répondre à l’enjeu climatique", écrivent-elles dans un communiqué. 

"L’acte 2 est lancé, nous devons intensifier nos efforts"


Pour la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, ces chiffres traduisent au contraire "les effets de notre politique climatique de ces derniers mois. Sur le quatrième trimestre 2022, nos émissions ont ainsi baissé de 8,5% par rapport à l’année précédente, indique-t-elle dans un communiqué. C’est notamment le résultat du plan de sobriété énergétique et de la mobilisation des entreprises, des administrations et des collectivités locales, ainsi que de l’ensemble des Français que je veux remercier". Quoiqu’il en soit, cette baisse de 2,5% reste insuffisante. Le Haut Conseil pour le climat estime en effet que les objectifs de la France à 2030 imposent un doublement du rythme annuel de réduction des émissions pour atteindre -4,7% en moyenne par an sur la période 2022-2030.
Ces objectifs vont en outre être revus à la hausse pour coller à l’engagement pris au niveau européen. Ce que reconnaît la ministre de la Transition énergétique. "L’acte 2 est lancé : nous devons intensifier nos efforts. (…) C’est en ce sens que je porterai dans les prochains mois une prochaine programmation énergie-climat, qui devra nous fixer des objectifs encore plus ambitieux tant il reste du chemin à parcourir", explique-t-elle.
Attendue pour le second semestre 2023, la toute première Loi de programmation sur l’énergie et le climat fixera les priorités d’action en tenant compte de l’objectif européen de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre à -55% en 2030. Ensuite, les 3e éditions de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) devront elles aussi être mises à jour pour la période 2024-2033. C’est là que devront se concentrer tous les efforts.    
Concepcion Alvarez

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