La crise climatique est profondément une crise des inégalités. Alors que l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre est généré par les plus aisés, les plus pauvres et moins responsables sont les plus touchés par les impacts grandissants du dérèglement climatique. Revoir la fiscalité mondiale, notamment en taxant les plus riches, permettrait à la fois d’accélérer la lutte contre le réchauffement et celle contre la pauvreté. Telles sont les conclusions d’une vaste étude sur les inégalités climatiques publiée mardi 31 janvier. Elle a été menée par le Laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab), un institut de recherche rattaché à l’Ecole d’économie de Paris et à l’université de Californie à Berkeley.
« Notre rapport montre qu’il y a une triple crise des inégalités climatiques – inégalités des émissions, des pertes entraînées par le réchauffement et des capacités d’agir –, et que la richesse mondiale contribue trop peu à résoudre la crise climatique », résume le premier auteur, l’économiste Lucas Chancel, codirecteur du World Inequality Lab (avec Thomas Piketty, entre autres) et professeur à Sciences Po. « L’idée n’est pas de blâmer les riches ou d’absoudre les pauvres, ajoute-t-il. Il s’agit de mieux comprendre quels groupes seront les gagnants et les perdants de la transition énergétique, afin de l’accélérer. »
L’aggravation de la crise climatique est alimentée en grande partie par la fraction de la population mondiale la plus aisée. Comme le rappelle le rapport, les 10 % les plus riches sont responsables de la moitié (48 %) des émissions mondiales. Le 1 % le plus nanti entraîne même à lui seul 17 % des rejets carbonés, soit davantage que la moitié la plus pauvre de la population, qui est responsable de 12 % des émissions. Ce top 1 % est responsable d’un quart de la croissance des émissions entre 1990 et 2019.
Inégalités entre pays mais surtout au sein des pays
D’autres chiffres permettent de mesurer encore davantage les écarts abyssaux entre les catégories de revenus : le 1 % le plus privilégié émet 101 tonnes d’équivalent CO2 par personne et par an, et le top 10 %, 29 tonnes, contre 6 tonnes pour les classes intermédiaires et 1,4 tonne pour la moitié la plus pauvre, selon les chiffres avancés par Lucas Chancel, qui prennent en compte à la fois la consommation de biens et services et les investissements. Il faudrait réduire l’empreinte carbone à 1,9 tonne par personne en 2050 pour conserver une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C à la fin du siècle.
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