Un drapeau arc-en-ciel flotte dans le ciel de New York, le 1er juin 2019

Un drapeau arc-en-ciel flotte dans le ciel de New York, le 1er juin 2019

afp.com/Angela Weiss

Dans plusieurs pays d’Europe et même aux Etats-Unis, les autorités sanitaires (en Finlande, en Suède, au Royaume-Uni et ces jours-ci en Norvège) ou politiques (dans au moins sept Etats aux Etats-Unis) appellent à la prudence voire interdisent les prescriptions hormonales précoces (notamment celles de bloqueurs de puberté entre 8 et 12 ans) et rapides (en quelques consultations) des mineurs qui demandent un changement de sexe.

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Ils préconisent en première instance une prise en charge globale, un suivi psychothérapeutique sur la durée. La décision la plus spectaculaire a été prise à Londres avec la fermeture prochaine du service dédié à la transidentité (GIDS) de la célèbre Tavistock Clinic. Cette fermeture a été décidée à la suite du rapport indépendant du docteur Hilary Cass pointant de graves dysfonctionnements dans la prise en charge des mineurs et des résultats globalement plus négatifs que positifs.

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C’est au moment où le vent tourne, en Europe notamment, qu’un collectif de psychiatres transaffirmatifs et d’associations transactivistes (dont les plus connus sont Serge Hefez et Jean Chambry pour les psychiatres, des membres d’OUTrans, Espace Santé Trans, Grandir Trans pour les associations militantes) publie dans le Club Médiapart le 2 mars 2023 une tribune qui ne tient aucun compte de ces changements, ce qui est pour le moins surprenant de la part de médecins qui devraient se tenir informés des dernières expertises se rapportant à la médicalisation des mineurs. Mais L’Amour médecin (la pièce de Molière) se passe de conseils et de preuves, il est fondé sur des ressentis et sur le sens du progrès. Surtout "N’offensez pas ces Messieurs-là" ! (Sganarelle dans l’Amour-médecin : NLDR)

Les auteurs qui ont l’audace de qualifier les membres de l’Observatoire la Petite Sirène "d’activistes anti-trans" (en nous citant mais sans nous nommer) défendent comme on peut s’y attendre, un point de vue univoque, radicalement transaffirmatif (basé sur le ressenti et l’accompagnement actif vers la transition) déniant toute influence sociale à l’augmentation du nombre des demandes, usant de la victimisation de cette minorité, affirmant les bienfaits (non prouvés scientifiquement) de leur mode de prise en charge, amalgamant homosexualité et transidentité.

Judiciarisation

Mais s’y ajoute une trouvaille fournie sur un plateau par la loi du 31 Janvier 2022 interdisant les thérapies de conversion. Il s’agit maintenant de judiciariser leur combat en accusant toute personne mais surtout tout professionnel qui n’adhèrerait pas à 100% à l’idée de conforter un jeune dans son ressenti de pratiquer une "thérapie de conversion". Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que les députés et sénateurs qui ont voté cette loi en mesurent les conséquences. Les ont-ils prévues ? On peut hélas craindre que ce ne soit le cas.

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À l’origine, cette loi avait pour objectif d'interdire et pénaliser (de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende) un ensemble de méthodes coercitives visant à modifier, à réprimer l’orientation sexuelle de personnes homosexuelles afin de les "convertir" à l’hétérosexualité. Cette torture psychologique voire physique (électrochocs, exorcisme etc.) a été pratiquée par des professionnels de la santé et par des religieux ou des sectes notamment. Ces méthodes ont certes existé mais on ne peut pas dire que sur le sol français, elles se pratiquaient encore et n’auraient pas pu être réprimées par des lois existantes. Or, le législateur a associé à la répression de l’orientation sexuelle celle de l’identité de genre. Avec cependant un bémol obtenu de haute lutte en direction des mineurs qui dit :

"L’infraction (…) n’est pas constituée lorsque les propos répétés invitent seulement à la prudence et à la réflexion, eu égard notamment à son jeune âge, la personne qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe."

La pratique qui consiste à profiter d’un texte consensuel pour en faire passer un autre qui l’est moins est une préconisation élaborée assez cyniquement par la Thomson Reuters Foundation et le cabinet juridique américain Denton. Leur texte de 65 pages est destiné aux activistes pour faire progresser les droits des transgenres en Europe, en mettant l’accent sur les mineurs.

À titre d’exemple, voici la liste (non exhaustive) de leurs "conseils" :

1. Cibler les jeunes politiciens

2. Démédicaliser la campagne

3. Utiliser des études de cas de personnes réelles

4. Anonymiser les récits

5. Prendre de l’avance sur l’ordre du jour du gouvernement et sur l’histoire des médias

6. Utiliser les droits de l’homme comme argument de campagne

7. Liez votre campagne à une réforme plus populaire

8. Éviter une couverture médiatique et une exposition excessive

9. Carpe diem

10. Travailler ensemble

11. Méfiez-vous des compromis

Et ça marche ! Non seulement l’identité de genre a été associée comme on l’a vu à l’orientation sexuelle mais c’est un organisme gouvernemental, la DILCRAH (Délégation Interministérielle à la lutte contre le Racisme, l’Antisémitisme et la haine anti LGBT), qui a été le premier à tenter de faire appliquer cette loi aux dépens de l’Observatoire la petite sirène. Sous la pression d’associations transactivistes, la DILCRAH s’est fendue d’un article 40 (Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République : NLDR) contre l’Observatoire le soupçonnant de faire la promotion des thérapies de conversion. Classé sans suite ! Les signataires de la tribune du blog médiapart annoncent explicitement leur souhait de faire usage de cette loi à l’encontre des thérapeutes n’allant pas dans le même sens qu’eux.

Mode de prise en charge "transaffirmatif"

Or, les personnes, de plus en plus nombreuses, qui reviennent à leur sexe natal quelques années plus tard, se plaignent amèrement du mode de prise en charge dit "transaffirmatif" décrit plus haut. De plus en plus de parents dénoncent les prises en charge rapides de leurs enfants mineurs et parfois souffrants de pathologies psychiatriques antérieures et sont à la recherche de thérapeutes proposant une prise en charge globale. Les enrôlements rapides sans évaluation de la psychopathologie ou des traumatismes notamment dans le cadre dit "d’un consentement éclairé" problématique dans des conditions de souffrance psychique sont de plus en plus dénoncés et des plaintes commencent à être déposées (Ordre des Médecins ou justice).

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La prise en charge psychothérapeutique associée si besoin à une thérapie familiale a pour but de permettre à ces jeunes de donner du sens et de comprendre la nature de leur malaise, d’aller mieux psychiquement, et ainsi de faire des choix libres, quels qu’ils soient, en dehors de toute pression. Elle est préconisée par tous les pays qui renoncent à prescrire des hormones aux mineurs et en France par l’Académie de Médecine. Y aura-t-il une plainte contre cette Académie pour promotion des thérapies de conversion ?

La notion de "demande" a été pervertie au profit d’une demande d’autorisation à avoir accès aux traitements médicaux et s’inscrit dans une quête effrénée de réponses instantanées symptomatiques de notre société de consommation hypersubjectiviste et constatées dans d’autres registres très prisés par les adolescents : consommation numérique massive et addictions diverses, etc. Dans tous ces cas, le registre émotionnel immédiat et les circuits de la récompense sont sollicités sans qu’aucune limite ne soit posée par des adultes.

Sous couvert de "faire le bien", en associant l’identité de genre à l’orientation sexuelle, le législateur a non seulement accrédité la confusion entre deux registres différents mais a également fragilisé les adultes, professionnels et parents qui estiment que poser des limites aux adolescents est une responsabilité qui leur incombe et non une oppression.

Associations signataires :

Observatoire la Petite Sirène

Collectif l’Être trans

SOS éducation

AMQG, Association pour une approche mesurée des questions de genre, Suisse

Collectif Ypomoni, pour une approche éthique des questions de genre

Regards de femmes

Rebelles du genre

WDI France, Women’s Declaration International

Agora Lesbiennes féministes

CQFD Lesbiennes Féministes

Ligue du droit international des femmes

REPPEA, Réseau de professionnels pour la protection de l’enfance et de l’adolescence

Femelliste

*L'Observatoire La Petite Sirène est un collectif pluridisciplinaire de professionnels praticiens et chercheurs qui entend "mettre en garde les professionnels de l'enfance sur l'impact des réseaux sociaux et du militantisme", notamment sur la question de la dysphorie de genre.

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